Notre monde brûle, une écriture polyphonique de l’histoire de l’art

Conçue par Abdellah Karroum, directeur du MATHAF ( Arab Museum of Modern Art ) à Doha, l’exposition « Notre monde brûle » témoigne d’une écriture polyphonique de l’histoire de l’art, en se concentrant plus particulièrement sur les pratiques artistiques du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de leurs diasporas.

L’exposition  « Notre monde brûle »  propose un regard engagé sur la création contemporaine depuis le Golfe Persique où les guerres et les tensions diplomatiques n’ont cessé de déterminer l’histoire de ce début de XXIe siècle. Le titre fait explicitement référence aux drames humains que génèrent les conflits successifs dans cette région tout en intégrant de manière plus large les catastrophes écologiques incarnées par les immenses feux de forêt destructeurs de l’Amazonie à la Sibérie en passant par la Californie. Mais le feu n’est pas uniquement l’affirmation d’un péril. De façon ambivalente, il est aussi le symbole du formidable élan démocratique que connait cette même région à travers les Printemps arabes.

Vue d’exposition
« Notre monde brûle », Palais de Tokyo
Vue de l’exposition « Notre monde brûle » Palais de Tokyo
Artistes : Michael Rakowit, Dominique Hurth, Shirin Neshat
Photo : Aurélien Mole

De la destruction des trésors irakiens (Michael Rakowitz) au sort des réfugiés syriens (Monira Al Solh) en passant par le financement des Talibans à travers l’exploitation du lapis lazuli en Afghanistan (Asli Cavusoglu), Notre monde brûle présente un maillage complexe d’évènements auxquels les oeuvres d’art se réfèrent tout en offrant de multiples échappées poétiques.

Vue de l’exposition
« Notre monde brûle », Palais de Tokyo
– Sammy Baloji, Sans titre (2018), 41 douilles d’obus (1914- 1918 / 1939-1945)
– Fabrice Hyber : installation « Le musée du plastique » (2005-2020)
Photo : Marc Domage

L’exposition ouvre d’ailleurs sa réflexion à la problématique de l’Anthropocène (John Akomfrah, Yto Barrada, Raqs Media Collective) et à la question de l’usage des ressources naturelles (Monira Al Qadiri,  Sammy Baloji, Fabrice Hyber) afin de participer au débat sur la nécessité de changer notre rapport exclusivement utilitariste à l’environnement.

 Vue d’exposition John Akomfrah, Installation vidéo "Purple" (2017)
Vue d’exposition: John Akomfrah, Installation vidéo « Purple » (2017)
Courtesy of Smoking Dogs Films & Lisson Gallery
Photo : Aurélien Mole

Elle affirme justement que les oeuvres ont une puissance d’intervention en prenant position face aux désordres du monde. Le feu revient alors à l’intensité de la création artistique à l’image des oeuvres qui s’inscrivent dans la lignée des soulèvements populaires du monde arabe (Shirin Neshat, Amal Kenawy, Bady Dalloul) et témoignent d’un profond désir de justice sociale (Mustapha Akrim, Danh Vo, Faraj Daham, Kader Attia).

Vue de l’exposition «Notre monde brûle», Palais de Tokyo
Vue de l’exposition « Notre monde brûle » Palais de Tokyo
Artistes : Amal Kenawy, Inji Efflatoun, Mustapha Akrim, Kader Attia
Photo : Aurélien Mole

Dans une visée post-coloniale, la démultiplication des récits historiques (Amina Menia, Bouthayna Al Muftha, Wael Shawky, Dominique Hurth) est alors une façon d’affirmer des narrations alternatives et par là même de tracer les prémisses d’une société pluraliste, aux structures moins hiérarchiques et plus horizontales.

Wael Shawky, Al Arab a Al Madfuna, 2012-2016
Vue de l’exposition «Notre monde brûle », Palais de Tokyo, Paris
Courtesy de l'artiste & Mathaf: Arab Museum of Modern Art (Doha)
Crédit photo: Marc Domage
Wael Shawky, Al Arab a Al Madfuna, 2012-2016
Vue d’exposition «Notre monde brûle », Palais de Tokyo, Paris
Courtesy de l’artiste & Mathaf
Crédit photo: Marc Domage

Intégrant la saison «Fragmenter le monde» proposer par le Palais de Tokyo de Paris, l’exposition se nourrit de l’exceptionnelle collection du Musée Arabe d’Art moderne et contemporain (MATHAF) fondé en 2010 à partir de la collection privée de Son Excellence Sheikh Hassan bin Mohamed bin Ali Al Thani.

Mathaf: Arab Museum of Modern Art
Vue d’extérieur Mathaf: Arab Museum of Modern Art 

Engagé dans une approche post-coloniale, le MATHAF insiste sur les échanges culturels et interroge l’héritage artistique du Qatar en lien avec la globalisation. Prônant l’essor de la modernité dans les pays arabes, il développe ses activités dans le domaine éducatif et se veut une institution à la fois localisée et ouverte dans un monde aux multiples centres. Le MATHAF se définit ainsi comme un musée non hégémonique et non normatif qui appelle de « nouvelles relations de pouvoir et des traductions culturelles » dans la lignée de la pensée d’Okwui Enwezor.

Notre monde brûle est une exposition d’Abdellah Karroum, fondateur de l’Appartement 22 à Rabat en 2002, curateur de la Triennale aux côtés d’Okwui Enwezor en 2012, et actuellement directeur du MATHAF.

En raison de l’évolution de la situation sanitaire actuelle et suite aux indications du gouvernement français, cette exposition est suspendue jusqu’à nouvel ordre. 

Avec :

John Akomfrah, Mustapha Akrim, Francis Alÿs, Kader Attia, Mounira Al Solh, Bouthayna Al Muftah, Monira Al Qadiri, Sophia Al Maria, Sammy Baloji, Yto Barrada, Aslı Çavuşoğlu, Faraj Daham, Bady Dalloul, Inji Efflatoun, Khalil El Ghrib, Mounir Fatmi, Fabrice Hyber, Dominique Hurth, Amal Kenawy, Amina Menia, Shirin Neshat, Otobong Nkanga, Sara Ouhaddou, Michael Rakowitz, Younes Rahmoun, Wael Shawky, Oriol Vilanova, Danh Vo, Raqs Media Collective

Commissaire : Abdellah Karoum
Co-commissaire : Fabien Danesi

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